Le Pashmina est il condamné à disparaître ?

En pleine crise du coronavirus alors que le monde suspend son souffle, l’information est passée quasiment inaperçue : cela fait plus d’un mois que la Chine mène des incursions répétées en territoire indien. L’Inde et la Chine, deux puissances nucléaires, se disputent ces hautes terres du Ladakh depuis des décennies, le conflit avait même donné lieu à une guerre en 1962 avant qu’une ligne de démarcation négociée soit mise en place. Réactivées, ces tensions sont bien réelles et plus que préoccupantes, donnant lieu actuellement à des pourparlers militaires tandis que les USA ont proposé leur médiation.

Les frontières disputées du Cachemire

 

 

Pourquoi maintenant ? Pour Indrani Bagchi du Times of India, il s’agit avant tout pour Pékin de ne pas perdre la face, et reprendre la main dans un contexte international, compliqué pour la Chine. “La frontière du Ladakh a toujours été maintenue par les chinois dans une sorte de flou diplomatique, avec des tensions en sommeil mais qui peuvent être réactivées par de simples mouvements de camions et de troupes si besoin“. Ni plus ni moins qu’un moyen de pression sur l’Inde et ses alliés, à commencer par les Etats-Unis.

Un nomade Changpa surveille ses chèvres pashmina dans un pâturage près du village de Korzok au Ladakh dans le Nord de l’Inde, le 29 août 2019 (AFP/Archives – Noemi CASSANELLI)

 

Pris au milieu de ce conflit, les bergers ChangPa et leurs troupeaux. Pendant les mois d’été plus de 1 000 familles d’éleveurs nomades parcourent le vaste plateau du Changtang à plus de 5 000 mètres d’altitude, et l’hiver lorsque les températures chutent jusqu’à moins 50 degrés, se déplacent vers les pâturages d’altitude du Tibet et du fleuve Indus. Selon Sonam Tsering, de l’All Changtang Pashmina Growers Cooperative Marketing Society, “Chaque année des pâturages traditionnels sont perdus au profit de la Chine, mais cette année,  c’est pire, même les principales zones de pâturage d’hiver près de KakJung, Tum Tselay, Chumar, Damchok et Korzok ont été interdites du fait des tensions accrues”. Les militaires indiens comme chinois empêchent les animaux de pénétrer les zones sensibles qui sont traditionnellement leurs pâturages d’hiver, repoussant les troupeaux dans le froid. Cette année, en pleine saison de reproduction, 85% des chevreaux pashmina seraient morts de froid. Une perte dévastatrice qui commencera à se faire sentir dans 3 ans, lorsque les bêtes auraient été à même de donner leur duvet.

Chaque année le Ladakh produit 50 tonnes du cachemire artisanal le plus fin et le plus prestigieux (contre 10 000 tonnes pour la Chine faut-il le rappeler ?)

Entre le changement climatique qui a rendu les hivers plus rudes et les étés plus secs, l’abandon de la vie nomade par la nouvelle génération,  est-ce la fin du Pashmina ?

Une chèvre pashmina près du village de Durbuk au Ladakh dans le Nord de l’Inde, le 27 août 2019 (AFP/Archives – Noemi CASSANELLI